En coopération avec le Think Tank W.I.R.E., la fondation SWITCH vient de poser la première pierre de l’initiative FUTURE UNIVERSITY. Lors de l’événement de lancement, plus de 100 décideurs du secteur des hautes écoles suisses ont trouvé matière à réflexion et de nouvelles inspirations sur les tendances dans le domaine de la formation et de la recherche. Si aucune formule stratégique brevetée pour les hautes écoles n’a été révélée, en revanche, quelques ébauches de solutions peu conventionnelles ont pu être livrées.
Le paysage suisse des hautes écoles est en pleine mutation. La numérisation, la concurrence internationale et l’individualisation croissante posent de nouveaux défis aux universités: comment les connaissances seront-elles efficacement transmises à l’avenir et quelles compétences les hautes écoles devront-elles transmettre aux étudiants? Et à quoi ressembleront les écosystèmes du paysage universitaire de demain? Les invités du premier événement FUTURE UNIVERSITY ont obtenu quelques premières réponses à ces questions et à d’autres interrogations du même ordre le 13 juin 2018.
Le point central du programme était la présentation des résultats d’une étude nationale sur la haute école du futur. Une perspective complémentaire a été apportée par deux pionniers au niveau international, qui portent un regard critique sur les méthodes d’enseignement et d’apprentissage courantes et suivent eux-mêmes de nouveaux chemins.
La fondation SWITCH se considère comme partie intégrante de la communauté des hautes écoles suisses et souhaite contribuer au maintien de l’excellente position de la Suisse dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Pour que SWITCH puisse développer à l’avenir également des solutions informatiques globales pour les hautes écoles, elle doit savoir et comprendre dans quelle direction ces dernières vont évoluer. Cela correspond également à la tradition de SWITCH d’élaborer ses services en tant que "facilitateur" de façon interdisciplinaire et en collaboration avec la communauté. Pour cette raison, d’emblée, il était évident pour SWITCH que l’initiative autour du thème FUTURE UNIVERSITY ne pourrait fonctionner que de manière collective.
Le choix de W.I.R.E. a permis de s’assurer un partenaire d’étude affichant de nombreuses années d’expérience éprouvée dans la saisie systématique des tendances globales sur les plans économique, scientifique et sociétal et disposant d’un vaste réseau national et international. C’est tout particulièrement l’approche méthodique interdisciplinaire qui qualifie W.I.R.E. spécifiquement pour l’identification et l’analyse des développements futurs dans le paysage académique suisse.
"L`objectif est de susciter une discussion concernant les solutions communes dont la Suisse aurait besoin à long terme pour continuer à défendre sa place de leader mondial dans la recherche et l’innovation avec succès."
Dr Andreas Dudler, SWITCH
La vision de FUTURE UNIVERSITY se concentre en premier lieu sur une surveillance proactive des développements à long terme du secteur de la formation et de la recherche en Suisse et sur l’identification de possibilités concrètes d’aménagements pour bénéficier au mieux de ces développements. L’objectif est d’inspirer de nouvelles idées aux directions des hautes écoles suisses pour leurs décisions stratégiques. De plus, selon Andreas Dudler, directeur de SWITCH, il s’agit de «susciter une discussion concernant les solutions communes dont la Suisse aurait besoin à long terme pour continuer à défendre sa place de leader mondial dans la recherche et l’innovation avec succès."
Dans leur exposé, les représentants du laboratoire de réflexion W.I.R.E. se sont concentrés sur une représentation de l’avenir des universités sous forme de thèse. L’approche holistique choisie délibérément permet d’observer le changement au niveau macro:
à part la numérisation, qui transforme aussi bien les processus administratifs internes, l’enseignement et la recherche que la communication avec l’extérieur, l’augmentation de l’espérance de vie, les tendances à l’économisation et les changements dans le monde du travail ont également une influence sur les hautes écoles du futur. A l’avenir, l’enseignement et la recherche se dérouleront de façon encore plus marquée dans un environnement globalisé. Les mécanismes des médias de masse, la démocratisation qui a mené à un accès complètement ouvert au savoir et l’individualisation croissante constituent des conditions-cadres à l’influence déterminante.
Il va de soi que les hautes écoles tiennent compte des possibilités et de l’utilité de la transformation numérique dans leurs réflexions stratégiques, que ce soit au niveau administratif, pour la recherche ou pour l’enseignement. Pour la transmission du savoir, à part les amphithéâtres, de nouveaux outils sont également nécessaires. Il convient de combiner intelligemment les méthodes d’enseignement virtuelles et analogiques. Ce faisant, il faut tenir compte du fait que l’apprentissage est de plus en plus individuel, flexible et décentralisé, et ce, tout au long de la vie. Les cursus personnalisés sont en train de devenir la norme.
Les hautes écoles se voient dans l’obligation d’élaborer une offre conforme au marché et clairement positionnée. Cela peut avoir pour conséquence un éventail de disciplines moins large. Ce phénomène met en danger les bases de recherches interdisciplinaires et créatives qui sont bien souvent sources d’innovation. De nouveaux secteurs professionnels appellent de nouvelles capacités. Les hautes écoles doivent mieux tenir compte de ce changement en coopérant davantage à l’avenir avec des acteurs de l’économie et de la société. Les disciplines qui ne génèrent pas de bénéfice direct se verront accorder de moins en moins d’importance. A ce niveau, il conviendra de montrer la valeur ajoutée de telles compétences et de mener activement un dialogue avec les politiques.
Les hautes écoles doivent rester un lieu indépendant de réflexion, c’est-à-dire d’enseignement et de recherche.
Un aspect décisif pour les méthodes modernes d’enseignement et d‘apprentissage, mais aussi pour la recherche, est l’infrastructure technique dédiée. La gestion de volumes considérables de données et leur sécurité sont des facteurs de réussite fondamentaux pour les hautes écoles. La transformation technologique fournit aux bibliothèques et aux hautes écoles la possibilité de créer une "méta-base de données de connaissances" et de la gérer de façon responsable.
En résumé, les changements dans le domaine académique constituent une évolution plutôt qu’une révolution. Malgré la transformation numérique, l’humain occupe toujours une place centrale. Les hautes écoles doivent rester un lieu indépendant de réflexion, c’est-à-dire d’enseignement et de recherche. La pensée critique, l’empathie, la créativité et la conception active de l’avenir – aptitudes qui ne pourront jamais être remplacées par des robots – doivent encore et toujours être encouragées
Christer Windeløv-Lidzéliu est recteur de la "Business & Design School Kaospilot" au Danemark. Au sein de cette haute école, le leitmotiv est LEARNING BY DOING. Il est convaincu que l’apprentissage est un processus hautement individuel et qu’il convient d’acquérir avant toute chose une méthode d’apprentissage efficace. Cela requiert de l’expérimentation et l’échec en fait partie. «Fail fast, fail early, fail often» est selon Christer Windeløv-Lidzéliu une condition importante pour permettre l’innovation.
La formation supérieure idéale doit être real-time, reality-affixed and relational.
Enfin, il lui semble important que ses étudiants développent une perception d’eux-même en tant que personnes, de leurs capacités, de la communauté et une aptitude pour la direction. Le succès lui donne raison: en effet, nombre des anciens étudiants de l’établissement commencent une carrière en tant qu’entrepreneurs. Selon lui, la formation supérieure idéale doit être "real-time, reality-affixed and relational".
Olivier Crouzet est responsable pédagogique de 42.fr, une haute école de technologies de l’information qui renonce complètement aux cours en amphithéâtre et aux professeurs. Elle dispose uniquement d’une petite équipe de conseillers pédagogiques et d’un système intranet permettant de nouer des contacts et d’organiser des réunions. Le reste est réalisé par le biais de "peer learning" et de "peer evaluation". Chaque étudiant travaille à son rythme et rassemble des points, comme pour passer d’un niveau à l’autre dans un jeu vidéo. De cette manière, les étudiants apprennent à penser de façon critique et créative, à chercher et évaluer les bonnes informations, à résoudre les problèmes et à collaborer. Cette approche est innovante non seulement en termes d’enseignement et d’apprentissage mais aussi au niveau de l’accès. Les étudiants de 42.fr ne doivent pas disposer d’une formation scolaire préalable et n’ont aucuns frais à régler. Seul facteur déterminant: le talent, qui est détecté à l’aide d’un système de sélection bien au point.
Les étudiants doivent construire sur leurs capacités, se créer un profil individuel et penser de façon critique.
Ce modèle de formation innovant n’est pas une fin en soi: il a été créé en réponse au besoin urgent de spécialistes en informatique en France. Depuis sa fondation en 2013, de nombreux étudiants se sont vu proposer des stages et des emplois pendant leur formation. Les retours des employeurs sont très positifs.
Crouzet plaide en faveur d’une forte interaction entre les hautes écoles et le marché du travail. Les étudiants doivent construire sur leurs capacités, se créer un profil individuel et penser de façon critique. "Agile state of mind to face the unknown", telle est sa devise.